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Jai trouvé
cette légende dans le livre de Claire Lalouette :
Contes et récits de l'Égypte ancienne, Flammarion, Paris,
1995.
Claire Lalouette
égyptologue et professeur à la Sorbonne a traduit et adapté
cette légende à partir dun papyrus daté vers
1250 avant notre ère.
Illustrateurs,
dessinateurs, peintres, photographes, si comme moi, ce conte vous
amuse et vous inspire, nhésitez pas.
Adressez moi vos
uvres à mon adresse :
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Rê
et Isis
Légende
de lÉgypte antique
À
lorigine du monde, il y avait le dieu Rê, le soleil vainqueur
des ténèbres qui recouvrait lunivers encore informel
et noyé dans les eaux profondes du vaste Océan primitif.
Venu à lexistence de lui-même, Rê jaillit,
au jour de la première aube, hors des flots originels et créa,
par la force de sa parole, le ciel, la terre et leau, le souffle
de la vie et le feu, les divinités et les hommes, le bétail,
les serpents, les oiseaux et les poissons. Il était le roi
des dieux et des hommes, qui, en ces débuts de la genèse
du monde, vivaient ensemble sur la terre, dans un univers plat et
lumineux, un monde de sable et de papyrus, au centre duquel coulait
le fleuve Nil. Les dieux dominaient lunivers ; ils étaient
les maîtres des connaissances supérieures et possédaient
la science de la magie. La vie commune avec les hommes fut longtemps
harmonieuse ; un jour, poussés par quelque force maléfique,
les hommes se révoltèrent, mais Rê put facilement
mater la rébellion, en employant pour cela tout à la
fois la ruse et la clémence.
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Un
autre incident allait se reproduire, durant le séjour de Rê
sur la terre ; il provenait, cette fois de lentourage divin
du dieu-soleil. Parmi les divinités, en effet, il en était
une une déesse particulièrement
intelligente, dont " le cur était plus habile
que celui de millions dhommes ; elle était plus judicieuse
quun million desprits " ; elle connaissait
tout ce qui était dans le ciel et sur la terre et possédait
sur les éléments de la création une puissance certaine,
car elle était une magicienne émérite. Elle sappelait
Isis, elle était la sur et lépouse du dieu
Osiris. Mais elle souhaitait acquérir une suprématie plus
grande encore, et désirait assurer sa domination sur le dieu
Rê lui-même, le patriarche et le père des dieux.
Pour cela, il lui fallait découvrir le nom secret de celui-ci ;
chaque divinité possédait en effet un nom caché,
et qui le connaissait avait pouvoir sur son possesseur. Femme envieuse
et ambitieuse, Isis inventa une ruse pour obtenir ce quelle désirait.
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Elle connaissait
les habitudes de Rê qui, chaque jour, parcourait la terre dÉgypte,
visitant ainsi sa création, en auguste équipage ;
il veillait ainsi à la protection du pays et aux humains. Le
dieu était maintenant très âgé ; sa
bouche était devenue molle, aussi laissait-il souvent tomber
sa salive sur le sol. Isis, maîtresse des pratiques magiques,
la ramassa, un jour, avec la terre sur laquelle elle se trouvait, et
pétrit le tout en ses mains ; elle lui donna la forme dun
serpent, qui, tel un trait semblait prêt à sélancer.
Tenu par Isis, il ne bougeait pas encore ; elle plaça le
serpent magique à la croisée des chemins que le grand
dieu avait coutume de suivre. Le moment de sa promenade quotidienne
étant venu, Rê fit son apparition hors des portes de son
palais, accompagné par les divinités de sa suite. Lorsquil
arriva au carrefour des chemins, il ne vit pas le serpent, car ses yeux
étaient faibles ; alors lanimal le mordit cruellement
au pied et le poison se répandit tel un feu ardent dans les chairs
divines ; puis le serpent, sa tache magique accomplie, alla se
cacher dans les roseaux des bords de la rivière. Le dieu, qui
ressentait une intolérable brûlure, poussa un cri si fort
quil atteignit le ciel. Effrayées, ne comprenant point
ce qui arrivait, les divinités qui lentouraient sinterrogeaient
sur lorigine de ce cri douloureux : « Quest-ce
donc ? Mais quest-ce donc ? ». Rê ne
put répondre dabord, car « ses lèvres
tremblaient, ses membres étaient secoués, le poison avait
pris possession de son corps, de même que le grand Nil charrie
tout derrière lui ».
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Rê, réfléchissant
à ce qui venait dadvenir et affermissant son corps et cur,
finit par appeler ses compagnons divins : « Approchez,
vous qui êtes venus à lexistence de mon corps et
son corps, dieux qui êtes issus de moi, afin que je vous fasse
connaître ce qui mest arrivé. Une chose douloureuse
ma mordu. Mon cur ne la connaît pas, mes yeux ne lont
pas vue, ma main ne la pas faite ; je ne reconnais en elle
aucun des éléments de ma création. Mais je nai
jamais ressenti une souffrance comme celle-là, aussi pénible
à supporter. Jai beaucoup de noms et beaucoup de formes ;
mais jai caché en mon corps mon nom secret, de peur quun
pouvoir fût donné à un magicien contre moi. Ce que
je ressens, ce nest pas le feu, ce nest pas leau,
mais mon cur brûle, mon corps tremble et mes membres ont
froid. Que mes enfants, les dieux, me soient amenés, ceux qui
savent les formules magiques et dont la connaissance atteint le ciel. »
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Ils
vinrent ; Isis sempressa, qui possédait les incantations
nécessaires pour repousser la maladie, et connaissait les paroles
capables de rendre la vie à une gorge qui étouffe. Feignant
dignorer ce qui venait darriver et simulant linnocence,
elle demanda à Rê sil avait eu maille à partir
avec quelquun de ses enfants, auquel cas, dit-elle, « je
ferai quil soit chassé de la vue de tes rayons ».
Le dieu auguste lui répondit : « En vérité,
je marchai sur le chemin, mon cur souhaitait revoir ce que javais
créé, lorsque je fus mordu par le feu, ce nest pas
leau, mais je suis plus froid que leau et plus chaud que
le feu ; tout mon corps transpire et je tremble ; mes yeux
sont troubles, je ne vois plus ; leau inonde mon visage comme
au temps de lété. » Isis, maligne, constatant
le succès de sa mauvaise ruse, lui dit aussitôt :
« Dis-moi ton nom, mon divin père ! Car un homme
revit lorsquil est appelé par son nom. » En
réponse, Rê récit, telle une litanie, la liste de
ses noms divers et connus : « Je suis celui qui a fait
le ciel et la terre, qui a lié les montagnes et créé
tous ce qui réside en eux. Je suis celui qui a fait leau.
Jai fait le taureau pour la vache, de telle sorte que la jouissance
sexuelle vint aussi à lexistence. Je suis celui qui a fait
lempyrée et créé les mystères des
deux horizons. Je suis celui qui fait venir la lumière lorsquil
ouvre les yeux et amène lobscurité lorsquil
les ferme. Je suis celui qui a fait venir à lexistence
les heures et les jours, je suis celui qui a établi la répartition
des fêtes de lannée. Je suis celui qui a fait le
feu de la vie. » Ces paroles ne soulagèrent point
Rê de sa souffrance, car le nom secret, quIsis ambitionnait
de connaître, ne figurait point dans cette longue énumération.
Alors Isis, prenant de lassurance et se laissant aller à
un véritable chantage magique (les femmes parfois, pour assurer
la satisfaction de leurs désirs, nont pas de pudeur), dit
à Rê : « Ton nom secret nest pas
parmi ceux que tu mas dits. Dis le moi donc, et le poison sortira
de ton corps. » Le dieu hésita encore, car il savait
quil risquait, dans laffaire, de se livrer à la redoutable
déesse-magicienne. Mais la douleur devenait trop forte, insupportable ;
finalement il céda mais fit en sorte que seule Isis entendit
ce quil allait lui dire : « Approche-toi de moi,
ma fille Isis, de telle sorte que mon nom passe de mon corps dans ton
corps sans que personne dautre ne puisse lentendre. »
I sis sapprocha et Rê divulgua son nom caché.
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Aussitôt, la
déesse, satisfaite, prononça ces paroles : « Écoule-toi,
poison. Sort de Rê. Sort du dieu, ô brûlant, selon
mon incantation, car je suis celle qui agit et celle qui chasse. Va-t-en
dedans la terre, puissant poison ! Vois, le grand dieu a divulgué
son nom pour moi, pour moi seule. Rê vit, le poison est mort ! »
Le père des divinités sentit alors sa souffrance ardente
lentement disparaître ; ses yeux, à nouveau, purent
voir clairement sa création, ses membres ne tremblaient plus,
son corps avait retrouvé la paix de lêtre.
Désormais Isis
sera « la grande magicienne, la maîtresse des dieux,
qui connaît Rê par son nom ». Elle avait ainsi
obtenu le pouvoir quelle ambitionnait.
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